Urbanisme et paysage

INVENTAIRE PROSPECTIF DES ACTIONS ET OUTILS MIS EN PLACE PAR LES PARCS NATURELS SUR LA THEMATIQUE DE L’URBANISME

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C'est une étude a été réalisée par Mathilde KEMPF, architecte dplg, et diffusée en décembre 2006 et janvier 2007.

CONTEXTE DE L'ETUDE
Un Parc naturel régional est un outil d'aménagement du territoire. Chaque Parc développe sa politique selon son contexte géographique, naturel, patrimonial, politique… à travers sa charte. Depuis quelques années, un réseau « paysage et urbanisme » s'est structuré afin de confronter les points de vue, de connaître les pratiques, d'échanger sur les actions et les projets.
La Fédération des Parcs naturels régionaux souhaite se doter d'un diagnostic sur les outils et les pratiques des Parcs dans le domaine de la maîtrise de l'espace. Cet outil permettra d'améliorer la connaissance de ces modes d'intervention de façon exhaustive et rationnelle. Il participera à l'animation du réseau dont elle a la charge, en diffusant les idées et les pratiques.
L'objectif de cette démarche est aussi de mesurer si les politiques liées à la maîtrise de l'urbanisme sont ponctuelles et anecdotiques ou au contraire, si elles relèvent de problématiques partagées par une majorité de Parcs. En effet, certains Parcs récents ont été créés pour maîtriser l'urbanisation, mais la plupart des autres Parcs n'ont pas eu cette entrée. Il s'agit alors de mesurer la part que prennent les réflexions de maîtrise de l'urbanisme dans les pratiques quotidiennes des équipes de Parcs. Ainsi, la Fédération des Parcs disposera d'un état des lieux pour orienter ses actions. C'est pourquoi cette étude propose également des bases de ce que pourrait être le positionnement des Parcs naturels régionaux en matière de gestion de l'espace.

PROBLEMATIQUE
Aujourd'hui, la banalisation des paysages habités et des modes de vie, et son corollaire, le risque de sanctuarisation des espaces naturels, touchent une majeure partie des territoires de Parc. Cela induit une perte de repères, une dénégation des spécificités et des caractéristiques des sites, une mise sous cloche des éléments de patrimoine qui tendent alors à perdre leur côté vivant et évolutif.
On ne construit plus à partir du paysage, mais seulement pour profiter du paysage. La logique fonctionnelle cède le pas à celle de consommation. Le rapport est inversé. Alors, le lien au territoire peut se rompre.

Au-delà d'une approche esthétique, c'est bien une question d'appropriation des lieux qui se pose. Techniquement, on peut tout faire n'importe où : construire des routes dans des sites accidentés, aplanir les sols pour y accueillir des constructions standardisées, etc. Le choix des sites est presque indifférent, interchangeable selon les opportunités foncières.
Le bon sens et la valeur du temps qui ont fabriqué nos paysages ruraux ont souvent été perdus. Il ne s'agit pas de tenir une posture passéiste pour autant. Peut-être pourrait-on tout de même réinjecter un peu de ce bon sens qu'on appelait « paysan » ? Il avait l'avantage de favoriser des aménagements qui s'adaptent parfaitement au contexte, d'être économe dans les investissements et l'entretien et d'être inscrits dans une logique à long terme. Des thèmes qui ont un écho plutôt intéressant avec le développement durable dont on parle aujourd'hui…
À ce titre, les territoires dits « ruraux » devraient faire l'objet de nouveaux champs de recherche encore peu explorés.

Dans ce contexte, les agriculteurs sont les premiers perdants des nouveaux aménagements puisque ce sont leurs terres qui sont les plus intéressantes : accessibles, planes, bien moins chères que les terrains à urbaniser. Dans les Parcs où la pression foncière augmente, ces logiques s'accentuent encore.
Les questions environnementales, la prise en compte de la biodiversité, la reconnaissance d'un terroir, la vision à long terme, la ressource en eau, la gestion des énergies, des déchets et des matières premières que nécessitent les aménagements à la construction puis à l'utilisation… sont des approches souvent jugées secondaires faces aux enjeux financiers et politiques que cela génère à court terme (échéance électorale ?).
Cependant, une prise de conscience émerge timidement.

HYPOTHESES DE TRAVAIL
Des Parcs de plus en plus nombreux réagissent à cette situation avec leurs outils et leurs moyens. Ils peuvent jouer plusieurs rôles : réglementaire, conseil et accompagnement, sensibilisation, expérimentation et incitation.
Le rôle réglementaire des Parcs consiste en l'obligation de compatibilité entre la charte du Parc et les documents d'urbanisme. Ils sont à ce titre des personnes publiques associées à l'élaboration des documents d'urbanisme. Certains Parcs ont alors structuré leur charte autour de cette compatibilité, mais ça reste assez rare. Pour la majorité d'entre eux, ce rôle réglementaire ne suffit pas à gérer la question complexe de la maîtrise de l'espace. La multiplicité des acteurs, l'importance des enjeux et la réticence à s'engager dans des démarches alternatives, donc risquées quant à leur issue, ne facilitent pas la mise en application concrète des principes de développement durable dont les Parcs sont les défenseurs par essence. Ce rôle réglementaire n'est cependant pas à négliger car il est une bonne clef d'entrée dans le processus d'élaboration des outils de planification.
Le volet d'information et de sensibilisation vient utilement compléter ce dispositif et le rend en même temps moins rigide et plus ouvert. Il peut générer une ouverture d'esprit, un débat, un changement d'attitude.
Il reste enfin le volet d'expérimentation qui permet de tester des démarches, des politiques, de lancer des pistes. C'est une approche de recherche appliquée très riche car elle doit être tout de suite opérationnelle et concrète. Ces expérimentations peuvent se mener sur le terrain avec des professionnels, mais elles peuvent aussi s'ouvrir au monde étudiant (universités, écoles d'architecture, d'ingénieur ou de paysage). C'est à la fois un bon support de communication et de sensibilisation au côté des Parcs, et une mise en situation nécessairement formatrice.

UNE DEMARCHE D'INVENTAIRE
Les actions menées par les Parcs naturels régionaux au niveau local répondent aux exigences de leur charte. Mais elles trouvent une utilité plus grande encore si elles peuvent être diffusées et faire l'objet de communication. En effet, en matière d'aménagement du territoire, il est essentiel pour les maîtres d'ouvrage de connaître d'autres expériences déjà réalisées pour oser passer à l'action. Actuellement, l'exemple prouve le réalisme d'une action. Et montrer par l'exemple pour donner des idées et des envies est un des moyens les plus efficaces de faire évoluer les pratiques.

 Il s'agit alors de faire partager les expériences qui ont déjà été menées afin que les expérimentations déjà abouties ou engagées puissent nourrir la réflexion d'autres Parcs. L'objet n'est pas de donner une recette ou une méthode ficelée et figée, mais bien d'opérer le transfert d'expérience qui fait partie intégrante des modes d'intervention des Parcs. La Fédération des Parcs joue ici un double rôle : celui d'animation et d'information du réseau et celui de prospective pour mesurer les politiques émergentes dans les Parcs et s'en faire le relai au niveau national.

Pour ce faire, deux volets sont envisagés :
- un inventaire des outils dont se sont dotés les Parcs naturels régionaux pour intervenir sur la maîtrise de l'espace, et des méthodes qu'ils ont mis en oeuvre. Cet inventaire a été réalisé à partir d'un questionnaire envoyé aux 44 Parcs,
- un regard critique et constructif à partir de cet inventaire dans le but, non pas de juger les résultats de tel ou tel Parc, mais de définir l'efficacité et la pertinence des outils développés selon un contexte donné. Ce travail doit déboucher sur un outil pratique et opérationnel. Il pourra par ailleurs s'intégrer dans le centre de ressources de la Fédération et nourrir les débats sur l'extranet.

UN REGARD CRITIQUE ET CONSTRUCTIF
(un regard critique, et pas un regard « de critique »…)

Il s'agira d'abord de définir une typologie des différents Parcs sur cette question, à partir des éléments issus de l'enquête. En effet, quelques Parcs ont été créés pour lutter contre l'étalement urbain ; certains subissent la pression urbaine sans vraiment l'avoir anticipée dans leur charte ; d'autres subissent un manque de pression foncière (phénomène de déprise) qui ne donne pas de vraie valeur au sol, etc.
Les outils mis en oeuvre sont nécessairement différents selon la situation dans laquelle se trouvent ces Parcs. Il peut cependant être intéressant de les confronter car chacun d'eux peut apporter des réponses, donner des idées, ou au contraire mettre en garde contre certaines pratiques.
À travers la définition de cette typologie, il s'agira aussi de mettre en avant la variété des approches et des savoir-faire.

L'idée est de proposer un inventaire critique, dont le but est de prendre du recul et de faire la part des choses entre plusieurs situations :
- ce qui est spécifique à un Parc (lié à son contexte, sa configuration, la volonté politique locale, etc.), et non reproductible,
- ce qui peut être utilisé par d'autres Parcs, étant bien entendu que les résultats sont toujours particuliers et que seules les démarches peuvent être reproduites. Il ne peut être donné de recettes systématiques.
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Par ailleurs, certaines démarches déjà testées peuvent être riches d'enseignement même si elles n'ont pas atteint les résultats escomptés, à condition que l'on puisse déterminer les causes de l'échec et proposer une alternative.

Cet inventaire critique vise à favoriser l'émergence de projet. Il doit donner envie d'aller au-delà.
Il ne faut pas non plus perdre de vue que les Parcs ne peuvent pas tout résoudre tout seuls. Par exemple, de nombreux Parcs ont travaillé sur la réouverture des paysages suite à la déprise agricole. Généralement, ces actions ont été organisées avec des agriculteurs chargés de défricher. Aujourd'hui, le développement de la filière bois pour les fournitures en plaquettes pour les chaudières bois offre une réponse très efficace à cette question d'ouverture de paysage, alors que cette solution n'avait pas été envisagée au début.
Il ne s'agit pas de minimiser l'action des Parcs mais plutôt de la resituer dans un contexte plus large. C'est bien un diagnostic sur les besoins en matière d'aménagement de l'espace qu'il faut déterminer. Les outils développés sont des réponses données à un moment précis selon des contextes économique et culturel spécifiques.
Parfois, des enjeux importants sont bien identifiés sans pour autant trouver tout de suite les outils justes. Par exemple, la densification des centres bourgs est souvent difficile à mettre en oeuvre, même si différentes lois cherchent à la favoriser. La sensibilisation et l'accompagnement sont rarement assez forts pour permettre un passage à l'acte. Peut-être que ce sera l'augmentation du prix du foncier qui rendra cette solution évidente ? Cependant, si le Parc a anticipé ce besoin et mené des actions allant dans ce sens, lorsque la situation sera mûre, elle pourra se mettre en oeuvre beaucoup plus efficacement car les esprits auront déjà été préparés.

Cette lecture critique se nourrira des définitions que les Parcs donnent des termes « urbanisme » et « paysage » qui sont généralement les intitulés des postes occupés par les agents des Parcs travaillant sur la question de la maîtrise de l'espace. Ces termes reliés à leurs actions permettront de mesurer si les Parcs parlent un même langage sur le sujet.

Il s'agit alors de bien identifier les objectifs que peuvent se donner les Parcs et leur Fédération, dans la limite de leur rôle et de leurs missions. Il ne faut pas non plus oublier le rôle des partenaires et autres institutions déjà impliquées sur ce sujet.
Ces exemples pourront servir aux différents Parcs naturels régionaux et pourraient aussi alimenter la réflexion d'autres territoires hors Parcs. Ainsi, les expérimentations pourraient être plus largement diffusées.